Des lieux maudits




Amanzimtoti
Afrique du Sud




              Amanzimtoti est une station balnéaire à vingt-sept kilomètres au sud de Durban en Afrique du Sud. Ses immenses plages de sable s'étirent au pied de superbes dunes recouvertes de végétation sauvage, et l'ensemble du paysage inviterait davantage au bucolisme qu'aux statistiques macabres.

          L'une de ces plages est pourtant l'endroit du monde où l'on déplore le plus d'attaques de requins depuis cinquante ans : onze depuis 1940 dont trois fatales. Rien qu'entre 1974 et 1975 quatre incidents survinrent en à peine un an.


             Le 7 janvier 1974 à 14h10mn,

           Cornelius se baigne à 100 mètres du rivage par 2,5 mètres de fond au milieu d'environ cinq cent nageurs. La mer est calme, la température de l'eau est de 21,5°C et le visibilité d'environ 1,5 mètre. La rivière Umkomaas non loin de là a charrié beaucoup d'eau dans les jours précédents, et un récente tempête a affalé plusieurs des neufs filets tendus contre les squales juste derrière la barre. Cornelius est soudain propulsé au-dessus de la surface et réalise immédiatement qu'il s'agit d'un requin. Il parvient à le frapper d'un coup de poing et nage aussitôt vers le bord en donnant l'alarte autours de lui. Des surfeurs viennent à son secours et le transportent à l'hôpital où il récupéra de ses lacérations en deux mois. Une enquête est aussitôt diligentés par le Natal Shark Board (NSB) comme à chaque fois qu'une attaque intervient sur les côtes de la province du Natal. La forme des blessures évoque le requin blanc et leur asymétrie élimine le requin tigre dont les mâchoires sont symétriques ; quant à la profondeur limitée de la plaie elle élimine les dents pointues du requin taureau trés répandu dans la région. Aucun morceau de dent n'étant retrouvé dans la plaie, les enquêteurs s'en tiendront aux suppositions. Concernant le choix de Cornelius plutôt qu'un autre nageur, les éléments sont faibles : il portait un vêtement de bain rouge, et on lui avait enlevé un kyste trois jours auparavant ; il ne portait aucun objet métallique.


             Le 13 février 1974,

            John Kendrick s'entraîne pour le championnat de sauvetage par 1,5 mètre de profondeur. Dans les semaines précédentes, de fortes pluies on fait déborder les rivières, augmentant considérablement la turbidité de l'eau et entraînant de nombreux débrits organiques dans les eaux côtières. Les filets n'ont pas pu être vérifiés depuis sept jours, et l'on découvrira que cinq sur les neuf étaient affalés par la tempête. La température de l'eau était de 27°C, la visibillité nulle, et le ciel ensoleillé. Pour toutes ces raisons les baignades étaient interdites. John Kendrick nageait en compagnie de son ami Joe Kool, qui sentit quelque chose lui frôler le flanc. Il cria à l'adresse de Kendrick :"Nage, vite !" Celui-ci racontera : "Joe était à environ cinq mètres de moi, lorsqu'il se mit à hurler. Comme je me retournais, un requin me saisit la jambe. J'entendis un grondement lorsque les puissantes mâchoires de l'animal commencèrent à me secouer. Tout s'était déroulé si vite que je ne m'étais pas rendu compte de ce qui se passait. Le squale me relâcha après deux secondes et je fus repoussé dans les brisants, qui me rejetèrent sur le sable. Je réussis à remonter la pente de la plage à reculons, en tenant ma jambe blessée devant moi. Ce ne fut qu'alors que je réalisai - et mon esprit se refusait encore à accepter ce que je voyais : à la place de mon mollet pendaient comme autant de vieux chiffons des languettes de chair et de muscles, dégoulinantes de sang qui coulait à flot sur le sable." Kendrick avait en fait subi trois morsures, l'une fracturant le péroné, une autre traversant cet os prés du genou et la troisième emportant le péroné avec le mollet. Un témoin appliqua une pression digitale sur la fémorale et installa un tourniquet qui certainement sauva la vie de kendrick dont la tension était descendue à 7-4. La jambe dut être amputée juste sous le genou.
            
                Les experts du NSB déterminèrent le diamètre de l'arc de morsure de 20,3 cm. Aprés diverses examens des plaies, troies empreintes de dents furent retrouvées dans le tibia permettant ainsi d'identifier l'auteur probable de l'attaque comme étant un squale carcharhiniforme. Trois pouvaient être impliqués dans cette zone :



 Requin balestrine
Carcharhinus amboinensis




Requin Bouledogue
Carcharhinus Leucas




Requin Sombre
Carcharhinus obscurus

                John Kendrick est devenu célèbre, passant à la télévision comme l'un des rares unijambistes spécialistes du surf.





Inyoni Rocks



               Le 21 mars 1974 à 16 heures,
              James Gurr (vingt et un ans) est assis sur son surf quand il aperçoit un aileron de requin fonçant droit sur lui. La visibilité ne dépasse pas 1,5 mètre et James ne voit pas les contours de l'animal. La température de l'eau est de 24°C et les baignades ont été interdites après 16 heures à la suite des deux attaques précédentes. (les requins attaquent toujours plus le soir et la nuit). Gurr est habillé d'une combinaison vert et or et sa cheville est reliée à sa planche par une cordelette jaune. Il est à environ 10 mètres du rivage, à la verticale d'une canal de 1,5 mètre de profondeur, creusé dans le sable par les courants récents, jusqu'au sud de Inyoni Rocks ; ses pieds pendent dans l'eau pour l'aider à stabiliser sa planche.

               Le choc le renverse brutalement, et il tente de remonter aussi vite qu'il le peut sur sa planche qui a été mordue trés profondément ; il sent alors un nouveau choc contre le flanc de sa combinaison. La volte-face brutale du squale l'a surpris mais il parvient à se coucher sur sa planche sur le ventre, les jambes relevées. "Je me sentait totalement impuissant. Le squale revint par la droite et me culbuta dans l'eau. La planche était à deux mètres de moi, je m'apprêtais à m'y hisser à nouveau lorsqu'une poussée me rejeta sur le côté. En même temps je sentis le requin contre ma poitrine et mon bras. C'en était trop. La panique me submergea et je commençai à pagayer vers le rivage. La peur décuplait mes forces. Soudain une secousse terrible fit que je me retrouvai la tête en bas dans l'eau. Frénétiquement, je remontai sur ma planche et recommençait à pagayer vers la plage, le requin zigzaguait devant moi. Ma terreur s'accrut encore lorsqu'une déferlante me propulsa par-dessus le squale. Je réussis à atteindre les brisants, qui me rejetèrent sur le sable."

             Miraculeusement, Gurr s'en sortit sans une égratignure, et seule la planche a été mordue. Les empreintes sur la partie supérieure avaient un diamètre de 19,8 centimètres et la partie inférieure un diamètre de 18,2 centimètres, correspondant à un requin d'environ 1,80 mètre (la volte-face rapide du requin entre ses deux premières attaques va de paire avec une taille relativement modeste). L'examen des empreintes montre des dents au tranchant trés coupant. Les témoins ayant par ailleurs nettement constaté une couleur uniformément grise on en a conclu que l'assaillant était très probablement un requin sombre  (carcharhinus obscurus). Comme dans le cas précédent on retrouve la présence d'un canal prés du rivage, une visibilité médiocre, une température élévée, des couleurs vives, et un non-respect des consignes d'interdiction.






                Le 4 avril 1974 à 16h30mn,

              Anthony Baker (dix-sept ans) surfe en compagnie de son frère à 50 mètres du large, juste au sud de Inyoni Rocks. Là encore, pour les mêmes raisons que précédemment, les baignades sont interdites. La température de l'eau est de 24°C, la visibilité inférieure à 3 mètres et un ciel ensoleillé. Une chaussette blanche couvre le pied droit d'Anthony, enfoncé dans une sangle de l'aquaplane. "Je faisais face au rivage, lorsque je ressentis une traction sur mon pied, suivie d'une sensation de chaleur. A cause des autres ataques, je sus immédiatement qu'un requin m'avait mordu. Je n'éprouvais aucune douleur, mais j'avais entendu dire que les morsures de requin étaient indolores. Je me retournai pour vérifier si mes deux jambes étaient encore là. Il y avait beaucoup de sang dans l'eau, et la chaussette blanche était devenue rouge. C'est alors que je pris peur. Je criais un avertissement à Raymond, et je me mis à pagayer vers le rivage. Sur la plage, j'examinai mon pied et découvrit une entaille béante sur le talon, saignant abondamment. J'ai remercié le ciel que ce ne soit pas plus grave."

              Cette plaie fut refermée par dix-neuf agrafes, et sa taille relativement modeste évoquait un requin de petite taille, attiré sans aucun doute par la chaussette recouvrant le pied. Un filet à mailles de 13 centimètres fut installé, en même temps qu'une ligne d'hameçons, qui ramenèrent 11 carcharhinus de petite taille. Ceci n'a rien de surprenant quand on sait que les squales gagnent la proximité de la côte en fin d'aprés-midi, pour repartir vers le large à l'aube suivante.






             Le 23 février 1975, dix mois plus tard, vers 10h55mn,

             Russel Jones surfe à 100 mètres au large de Inyoni Rocks en compagnie de deux camarades. Habillé d'un boxer short blanc, il porte à la cheville droite une chaussette jaune reliée à son surf board. Jones s'est écorché le genou gauche une demi heure auparavant, mais superficiellement. Il est assis sur sa planche, les jambes dans l'eau, lorsqu'il ressent un choc contre les orteils de son pied droit. Il pense à un rocher submergé et tire sa jambe gauche, mais c'est alors qu'il ressent un véritable blocage sur son pied : "C'était comme les mêchoires d'un piège en acier sur ma jambe." Il cria pour donner l'alerte tout en continuant de tirer sa jambe, mais le requin conserva sa prise et son nez creuva la surface. Un nez rond, de couleur grise. Le requin plongea, tirant la jambe vers le fond et Jones hors de sa planche. Jones panique à l'idée que le squale allait maintenant s'attaquer à son corps. Il tira de toutes ses forces et sentit son pied se séparer de sa jambe. Il remonta sur sa planche, tira sa jambe hors de l'eau et fut tellement bouleversé par ce qu'il vit qu'il vit qu'il se sentit défaillir. Il ne ressentit de douleur que lorsqu'il essaya de marcher sur son moignon sur le sable. Le tibia et le péroné dépassaient des chairs arrachées et l'on y retrouva des traces de dents à denticules. Le pied et les chairs avaient été arrachés comme par un dénoyauteur, 12 centimètres  au dessus de la cheville, du côté de la chaussette jaune comme le cas précédent. l'examen des plaies et empreintes sur les os conduisit à identifier l'agresseur comme un carcharhinus, probablement obscurus, d'une taille d'environ 1,50 mètre.

             Ces accidents confirmèrent paradoxalement l'éfficacité des filets tendus pas le Natal Shark Board à Durban puisque ces accidents sont survenus alors que les filets n'étaient pas tous en place ou que les victimes ne respectaient pas les interdictions.








Les attaques de requins :

Elles sont rares et entraînent rarement la mort de la personne qui a été mordue.
D'après des témoignages de plongeurs, les requins blancs rencontrés au hasard de leurs plongées ont eu une réaction à l'opposé du trais de caractère qu'on veut bien leur attribuer.
Jacques Yves Cousteau, lors d'une de ses expéditions en a rencontré un, et alors qu'il lui fonçait dessus, il a brusquement obliqué et a disparu dans les profondeur de l'océan.

Après de nombreuses expériences, on s'est rendu compte que les requins avaient un sens du goût assez développé et qu'ils ne mangent pas n'importe quoi (hormis le requin tigre qui porte le surnom de poubelle des mers). L'équipe Cousteau conduite par le fils de Jacques Yves, Jean Michel Cousteau, à bord de l'Alcyone a longuement étudié le comportement des grands blancs d'Australie, aidés en cela par les plus grands spécialistes de la question que sont Rodney Fox et Valérie Taylor. Ils ont remarqué que les requins mordaient le plus souvent pour tester et si la "proie" ne leur convient pas, ils la recrachent. Bien sûr l'homme étant ce qu'il est et si la "proie" est un homme, ce dernier n'en ressort pas indemne.

La carte ci-dessous montre les régions les plus exposées aux attaques de requins ainsi que la fréquence de ces dernières ou leur gravité:












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